Isabelle EBERHARDT
Elle née en février 1877 en Suisse, dans une famille d'origine russe férue de cultures cosmopolites.Chez elle défile tout ce que cette Europe de fin de siècle compte de procrits, d’éxilés et autres aventuriers.
La jeune fille connaît ses premiers émois de lectrice en découvrant «Aziyadé», le premier roman de Pierre Loti dont l’action se déroule à Salonique. L’univers de Loti – ce capitaine qui aimait les beaux garçons et les travestissements – lui fait rêver d’un autre monde. Elle n’est qu’adolescente que, déjà, son regard fuit vers l’Orient.
Ses deux frères s’engagent dans la Légion Etrangère, ils sont mutés en Algérie. Isabelle se passionne pour cet ailleurs, elle apprend l’Arabe, le Kabyle. A peine sortie de l’adolescence, elle écrit un premier roman où elle raconte, bien qu’elle n’y ait jamais mis les pieds, sa «Vision du Moghreb» – c’est ainsi qu’elle écrivait Maghreb, à une époque où elle aimait jouer avec les mots.
En mai 1997, enfin, elle vient s’y installer avec sa mère. Les deux femmes se convertissent à l’Islam. Sa mère décède en novembre.
Première écrivain maghrébin d’expression française, elle est aussi la première journaliste, tout sexe confondu, dans la région du Sud oranais.
C’est en septembre 1903 qu’Isabelle arrive dans cette région en tant que journaliste d’El-Akhbar et de la Dépêche algérienne, quelques jours seulement avant que Lyautey ne devienne général de la subdivision de Aïn Sefra.
De septembre à début décembre, elle visite la région et écrit des articles sur Aïn Sefra, Moghrar, Hadjerat Lemguil, Djenien-Bourezg, Zoubia, Béni-Ounif, Djenan Dar, Figuig.
Aïn Sefra dans les années 30
En janvier / février 1904, elle y fait encore un court passage en compagnie de Barrucand, le directeur de son journal, ils voyagent rapidement en train, à Béni Ounif, Aïn Sefra, Oujda et Tlemcen.
En mai 1904, elle est de retour à Aïn Sefra où elle loue une maison.
Elle décède le 21 octobre 1904, durant une crue dévastatrice de l’oued Sefra.
Elle est enterrée selon la coutume musulmane à Aïn Sefra au cimetière musulman Sidi-Boudjemâa.

On peut considérer sans avoir peur de trahir sa mémoire qu’Isabelle Eberhardt appartient au patrimoine culturel Algérien.


«Je ne suis qu'une originale, une rêveuse qui veut vivre loin du monde, vivre de la vie libre et nomade, pour essayer ensuite de dire ce qu'elle a vu et peut-être de communiquer à quelques uns le frisson mélancolique et charmé qu'elle ressent en face des splendeurs tristes du Sahara.»
Isabelle Eberhardt
L’énigme Isabelle, dont le mode de vie, les amitiés et les habits masculins avaient étonné plus d’un sur les rives du Léman, étonna bien davantage les Français d’Algérie, qui - à quelques rares exceptions près - l’observèrent avec méfiance. Convenons qu’il y avait de quoi. Ses motivations, ses sujets de curiosité, tout dans son comportement était jugé répréhensible. Elle ne manifestait d’intérêt que pour le monde musulman dans son expression la plus populaire. À l’inverse des tendances de ses plus illustres prédécesseurs, Isabelle ne se laissait prendre au piège d’aucun des fantasmes dont l’Europe raffolait. Pas de descriptions flatteuses. Isabelle ne racontait de l’Algérie rien de ce qui aurait pu plaire. Elle aurait pu avoir accès au monde secret des femmes : les bains, l’intimité familiale, les costumes chatoyants, les heures de farniente, le mystère des harems, les billets doux... Isabelle avait les yeux ailleurs. Son regard n’allait se poser, ni sur l’Orient des richesses ni sur celui des mirages; il n’allait qu’à l’Orient des réalités quotidiennes, aux faits et gestes des plus humbles, "ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquillité de ce rien". Isabelle demeura une âme en peine, en peine de liberté. Elle revendiqua seulement la liberté de se convertir à l’islam, d’aimer un peuple et un pays - l’Algérie - qui n’était pas le sien, d’y vivre fièrement en déracinée, tout en cherchant une intégration, à première vue interdite. Mais cette liberté-là en entraînait d’autres, beaucoup d’autres, et celle-ci en particulier : la liberté de prendre ses distances vis-à-vis de la société coloniale. Elle fut jugée d’une "irrégularité outrageante". Car c’était cela aussi la liberté : c’était braver l’opinion et en subir les conséquences, c’était aller jusqu’au bout de soi-même en provoquant haines et suspicions, c’était aimer le désert à en mourir...
(Journal Liberté - Colloque National sur Isabelle Eberhardt - 08/11/2001)
Bibliographie

Au pays des sables. (Nouvelles inspirées par un séjour au Sahara en 1902). Editions Joëlle Losfeld, 2002.
Mes journaliers. (lettres et journaux intimes). Editions Joëlle Losfeld, 2002.
Yasmina. (nouvelles, 1902-1904). Editions Liana Levi, 2002.
Écrits intimes. (lettres et journaux). Editions Payot, 2001.
Notes de route. (écrits divers). Editions Actes Sud, 1998.
Notes et souvenirs. Editions Boite à documents, 1997.
Dans l'ombre chaude de l'Islam. (fragments). Editions Actes sud, 1996.
Lettres et journaliers. Editions Actes sud, 1989.
Écrits sur le sable, 2 tomes, Editions Grasset, 1998.
Dans l'ombre chaude de l'Islam. De I. Eberhardt et V. Barrucaud. Ed Fasquelle 1926
Notes et souvenirs. Illustré par R. Randau. Edition Edmond Charlot. 1945.
Trimardeur. Préface de V. Barrucaud. Edition Fasquelle. 1922.

Biographies :

Un désir d'Orient, et Nomade j'étais. Biographie par Edmonde Charles Roux. Collection Livre de poche, 1997.
Isabelle Eberhardt, l'aventureuse du Sahara. de Jean Noel. Edition Baconnier - Alger.
Isabelle Eberhardt, vie et mort d'une rebelle, 1877 -1904. Biographie par Annette Kobak. Edition Calmann-Lévy. 1989.
Isabelle Eberhardt ou la révélation du Sahara. De R. Stephnae. Préface de V. Marguerite. Edition Flammarion. 1930.
le film "Isabelle Eberhardt" dans lequel Mathilda May interprète son rôle a été réalisé par : Ian Pringle.
Il la trouve : "bouffon, sainte, héroïne, sensualiste, un tourbillon féminin au coeur duquel la vie coulait comme un torrent sans fin. Ecrivain, aventurière, idiote ; à jamais agitée, poussée par des forces qu'elle ne comprenait pas, elle a passé sa courte vie à tenter de se débarrasser du superflu pour se confronter au réel et c'est cette réalité qui l'a précipitée dans le noir, l'a jetée dans l'abîme duquel ne sort jamais aucun sens".
Un site plein d'infos :

http://dzlit.free.fr/eberhardt.html
"Un droit que bien peu d’intellectuels se soucient de revendiquer, c’est le droit à l’errance, au vagabondage.
Et pourtant, le vagabondage, c’est l’affranchissement, et la vie le long des routes, c’est la liberté !
Rompre un jour bravement toutes les entraves dont la vie moderne et la faiblesse de notre cœur, sous prétexte de liberté, ont changé notre geste, s’armer du bâton et de la besace symboliques, et s’en aller !
Pour qui connaît la valeur et aussi la délectable saveur de la solitaire liberté (car on n’est libre que tant qu’on est seul), l’acte de s’en aller est le plus courageux et le plus beau.
Egoïste bonheur, peut-être. Mais c’est le bonheur, pour qui sait le goûter.
Etre seul, être pauvre de besoins, être ignoré, étranger et chez soi partout, et marcher, solitaire et grand à la conquête du monde."

Isabelle Eberhardt